NDjaména s’est réjouie ii y a quelques jours de la décision du tribunal arbitral de la Chambre de commerce internationale (CCI) de Paris qui a rejeté la demande de la société britannique de geler les fonds de COTCO, la société qui exploite le pétrole tchadien.
Cette histoire est pleine de rebondissements depuis décembre 2022. A cette époque, la société britannique Savannah Energy annonçait le rachat des actions d’Esso Chad, filiale du groupe américain Exxon Mobil, qui gérait le pétrole du Tchad.
Le Tchad a rejeté cette annonce, qualifiant le processus d’acquisition d’illégal et les accusant d’enfreindre les règles.
Suite à cela, le Tchad a annoncé à l’issue d’un conseil de ministres extraordinaire du 24 avril 2023, la création d’une société pour gérer son pétrole. Selon le compte rendu de la réunion, NDjaména envisage de donner une autonomie de gestion à la « Chad Petroleum Company ».
Donc, en gros, une entreprise tchadienne qui s’occupe du pétrole a été rachetée par le gouvernement. La compagnie pétrolière britannique Savannah Energy n’a pas apprécié cela et a tenté d’empêcher le gouvernement de récupérer l’argent généré par les champs pétroliers de Doba. L’argent est conservé dans une banque au Gabon. Savannah Energy craignait que le gouvernement utilise l’argent avant que le tribunal ne prenne une décision. L’affaire est traitée par un tribunal de Paris. Le tribunal a récemment déclaré que les arguments de Savannah Energy n’étaient pas suffisants pour geler l’argent. Le gouvernement tchadien s’en réjouit car il estime que Savannah Energy cherche simplement à semer le trouble et à perturber le secteur pétrolier au Tchad.
Cette nouvelle ordonnance fait suite à celle du 4 mars 2024, où le tribunal arbitral de la Chambre de commerce internationale (CCI) à Paris a rejeté la demande de Savannah Energy de geler les revenus pétroliers de Chad Petroleum Company jusqu’à ce que le différend soit résolu, selon un communiqué de autorités tchadiennes.
Manque de capacités
Le Tchad ne reconnaît pas Savannah Energy comme faisant partie du consortium, avait déclaré Djerassem Bedmadjiel, l’ancien ministre tchadien du Pétrole, en mars 2023 devant les députés.
La raison, selon le gouvernement, est que Savannah a acquis ces actifs sans l’accord des autorités tchadiennes. Le ministre (du pétrole) sortant a demandé des informations sur les capacités financières et techniques, ni Esso ni Savannah n’ont pu le prouver, a déclaré M. Bedmadjiel aux députés.
Selon lui, le Tchad reproche non seulement à Savannah son manque de capacité technique et financière mais également d’avoir acquis ces actions à travers une procédure prétendument illégale.
Selon le ministre, citant un accord d’association signé entre la Société tchadienne des hydrocarbures Petronas et l’État tchadien, trois entités gérant le pétrole tchadien, Exxon Mobil avait 150 jours pour finaliser la vente de ses parts avec Savannah, sous peine de relancer le processus. Le délai a expiré, mais Exxon a poursuivi le processus sans en informer les autres partenaires.
Le ministre des Finances est allé plus loin en affirmant que Savannah n’avait pas d’argent, qu’elle ne pouvait pas réunir de l’argent pour le donner à Esso, qui lui a vendu ses actions à crédit, avant de poursuivre : « Je pense que Savannah a essayé de corrompre les gens au Tchad et dans d’autres pays, et c’était connu », a déclaré Tahir Hamid Nguilin devant le conseil de transition faisant office de parlement.
La société britannique, contactée par la BBC en mai 2023, nous a envoyé une note écrite affirmant avoir respecté toutes les lois tchadiennes avant de finaliser le rachat d’Esso Exploration and Production Chad, désormais connue sous le nom de Savannah Chad Inc SCI.
Selon leurs avocats, Savannah nie fermement toute corruption et estime que la récente nationalisation de la gestion pétrolière du Tchad va à l’encontre des accords entre SCI et la République du Tchad.
Savannah met en avant ses réalisations au Tchad, où elle affirme avoir amélioré la production pétrolière quotidienne de 9 % depuis le démarrage des opérations en décembre. Le gouvernement tchadien attribue cette augmentation au savoir-faire des travailleurs locaux après avoir expulsé le personnel de Savannah.
Après l’annonce du rachat des actifs d’Esso Tchad par Savannah, Ndjamena a intenté une action en justice pour suspendre la transaction, conduisant à la détention puis à la libération d’un employé de Savannah.
Savannah a déposé une demande d’arbitrage à Paris, en France, pour récupérer ses pertes conformément à l’accord entre les parties.
Parallèlement, la société britannique, désormais intégrée à un consortium après avoir racheté des parts d’Exxon Mobil, a revendu le 19 avril 10% de ses parts à la société de raffinage camerounaise SNH, provoquant une crise diplomatique entre le Tchad et le Cameroun.
Ndjamena a rappelé son ambassadeur pour consultation. Mais moins d’une semaine après ce rappel, Yaoundé a dépêché le secrétaire général de la présidence à Ndjamena pour rencontrer le dirigeant tchadien. A l’issue de l’entretien, l’envoyé camerounais a reconnu que certains malentendus avaient été dissipés.
Ndjamena dépend à 100% du Cameroun pour exporter son pétrole, qui passe par une base flottante à Kribi, dans le sud du pays, via un oléoduc de plus de 1 000 kilomètres construit entre les deux pays.
Cotco affirme avoir transporté du pétrole brut tchadien pour une valeur estimée à 4,5 milliards de dollars en 2022, soit près de 2 700 milliards de francs CFA.
Par : Arsène de Bangweni