Le prix de la liberté pour la reconnaissance d’Haïti, deux siècles plus tard, les Haïtiens exigent réparations à la France.

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Deux siècles après l’imposition de la double dette, Haïti demande réparations à la France.

Le prix de la liberté pour la reconnaissance d’Haïti par la France s’élevait à 150 millions de franc-or. À cette époque, Haïti était ignorée du reste du monde. En acceptant de payer cette somme, sous la menace d’une guerre menée par la flotte du roi de France Charles X, Haïti est entrée sans le savoir dans un cycle d’endettement et de difficultés économiques qui se font encore sentir aujourd’hui.

Cette dette est souvent qualifiée d’« odieuse », comme le souligne Jean-Marie Théodat, géographe haïtien et maître de conférences à la Sorbonne : « Le paradoxe est que les vainqueurs paient une rançon aux vaincus, car les Haïtiens avaient vaincu l’armée française en 1803 pour proclamer leur indépendance. C’est un paiement injuste. Ceux qui ont véritablement souffert, ce sont les esclaves. »

Cette somme colossale devait être payée en cinq versements. Le premier versement, de 30 millions de francs-or, représentait six fois les ressources d’Haïti à l’époque. Pour rembourser la dette, Haïti a dû emprunter auprès des banques françaises, payant intérêts et commissions jusque dans les années 1950.

Au total, Haïti aurait payé 560 millions de dollars actuels, selon les calculs du New York Times dans une enquête de 2022. Ce frein au développement, dès la naissance de la République haïtienne, correspondrait à une perte d’au moins 21 milliards de dollars, selon plusieurs économistes.

Si Haïti n’avait pas été freiné, les experts estiment que le pays pourrait connaître une économie similaire à celle de la République dominicaine aujourd’hui. Des projets de modernisation du gouvernement, notamment la construction d’écoles et d’hôpitaux, étaient prévus, mais ils n’ont pas pu être concrétisés faute de ressources.

Deux siècles plus tard, les Haïtiens espèrent l’aide de la France. Le pays est confronté à une grave crise économique et sécuritaire, et des gangs contrôlent la majeure partie de la capitale.

En France, deux résolutions sont en discussion à l’Assemblée nationale. L’une vise à des relations pacifiques et à la reconnaissance d’une histoire commune entre les deux pays. L’autre appelle à des réparations et au remboursement des dettes. Il est important de ne pas se contenter de parler de pardon, mais aussi de prendre des mesures concrètes pour aider le peuple haïtien.

Lors d’une rencontre avec le président français en janvier, l’ancien dirigeant haïtien Leslie Voltaire a évoqué l’idée de restitution, qui n’a pas été mentionnée dans le communiqué officiel de l’Élysée.

D’après l’Élysée, Emmanuel Macron doit au moins annoncer ce jeudi 17 avril « des initiatives » et la reconnaissance de « la force injuste de l’Histoire qui a frappé » l’État haïtien dès ses débuts. Le président français doit également lancer un « chantier mémoriel » pour déterminer les impacts de l’ordonnance du roi Charles X sur le développement du pays. Le chef de l’État « se dit prêt à tirer toutes les conclusions » une fois les travaux menés, même si les contours de ce « travail historique en profondeur » restent flous.

Dans la presse française, ces derniers jours, plusieurs chercheurs et spécialistes ont souligné la nécessité d’une réparation, voire d’une indemnisation de la France envers Haïti. « Le sujet est aussi regardé de près dans tout le monde afro-descendant, car Haïti est un symbole », précise le chercheur Jean-Marie Théodat. Et Haïti n’est pas la seule ex-colonie française à demander réparation. Le sujet a émergé, aussi, depuis les années 2000, en Guyane, Martinique ou encore à la Réunion.

Par : Arsène de Bangweni / Afrique Première TV

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