Par Mikhail Gamandiy-Egorov
Mondialisation.ca, 29 novembre 2024
Les derniers régimes ouvertement pro-occidentaux en Afrique s’inquiètent du changement de rapport de force à l’échelle régionale, continentale comme internationale. Cela n’est d’ailleurs pas étonnant compte tenu du fait que la défaite en bonne et due forme du camp des nostalgiques de l’unipolarité qui se profile chaque jour un peu plus concerne bien évidemment non pas seulement les chefs anglo-étasuniens dudit camp, mais également tous leurs vassaux.
Le régime ivoirien d’Alassane Ouattara semble de plus en plus inquiet quant aux perspectives à venir dans le cadre de la montée en puissance des partisans de l’ordre multipolaire international, y compris en Afrique. Et ce plus précisément en ce qui concerne les pays de l’Alliance des Etats du Sahel (AES) qui, malgré les tentatives de déstabilisation de la part des forces néocoloniales occidentales, des tentatives auxquelles participe le régime ivoirien pour le compte de ses maîtres restent fortement déterminés à poursuivre le chemin des véritables valeurs panafricaines et de la multipolarité.
Ainsi, des sources occidentales avaient récemment indiqué que Téné Birahima Ouattara, ministre de la Défense de Côte d’Ivoire, s’était rendu fin octobre dernier en Türkiye afin d’assister à la 4e édition du Salon de l’industrie de la défense et de l’aérospatial (Saha Expo 2024). Officiellement dans l’objectif du gouvernement ivoirien à diversifier ses partenariats en matière de coopération militaire. Et qu’en marge de cet événement, il s’est entretenu avec son homologue turc Yaşar Güler.
Les mêmes sources indiquent que le représentant du régime ivoirien a évoqué avec le ministre turc de la Défense «ses inquiétudes, partagées par de nombreux gouvernements ouest-africains», en ce qui concerne la livraison de certains matériels militaires aux pays de l’Alliance des États du Sahel, par des sociétés turques. Prétextant que ces équipements de dernière technologie «tombent parfois entre les mains des groupes djihadistes pendant les combats, faisant planer des risques sécuritaires sur l’ensemble de la région».
En termes de perspectives, en ce qui concerne le régime ivoirien d’Alassane Ouattara les «inquiétudes» en question ne sont évidemment aucunement liées aux «raisons» invoquées. Ce qui inquiète précisément ledit régime, en qualité d’un des derniers régimes ouvertement et obstinément pro-occidental sur le sol africain c’est le rapport de force qui non seulement a changé, mais qui continue à aller ouvertement dans le sens résolument opposé aux espoirs des nostalgiques de l’unipolarité et des vassaux de l’Occident, dont le président ivoirien est indéniablement un représentant. Le tout en lien avec les processus qui concernent aussi bien les pays membres de l’Alliance des Etats du Sahel le Mali, le Burkina Faso et le Niger, dans le cadre de l’alliance existante entre l’AES et la Russie, qu’à l’échelle continentale et internationale de manière générale.
Ainsi et au moment où certains équipements militaires turcs sont effectivement utilisés par les nations de l’AES, principalement des drones de combat du côté d’Abidjan l’inquiétude est parfaitement visible, car malgré le positionnement militaire des régimes étasunien et français en Côte d’Ivoire les processus en cours sont tout sauf à l’avantage du régime ivoirien et de ses maîtres. Cela sans oublier que tout cela démontre par la même occasion qui combat réellement le terrorisme dans la région, et qui au contraire apporte un soutien multiforme aux dits groupes terroristes.
Quant à la Türkiye, bien qu’étant membre de l’Otan, elle continue de réaliser une politique souveraine qui à bien des égards ne correspond pas à celle des régimes occidentaux. Y compris d’ailleurs en Afrique, où Ankara utilise largement à son avantage le rejet massif vis-à-vis de l’Occident. Comme d’ailleurs en dehors du continent africain, notamment dans le cadre de l’affrontement entre les régimes otano-occidentaux et la Russie, où la Türkiye adopte une position mesurée, en refusant de suivre l’escalade maximale provoquée par le petit espace occidental.
Par ailleurs, rien n’indique que la Türkiye serait prête à sacrifier ses intérêts dans ses relations avec les pays de l’AES, comprenant parfaitement que derrière Abidjan se trouvent Washington et Paris. Et si le régime washingtonien observe la progression de l’influence turque en Afrique sans joie, le régime hexagonal va encore plus loin en accusant à plusieurs reprises Ankara de participer aux «campagnes hostiles» à l’encontre des intérêts français et occidentaux en Afrique.
En conclusion, il devient aujourd’hui parfaitement évident qu’à l’échelle du continent africain et malgré toutes les tentatives occidentales et de leurs acolytes à chercher d’inverser la tendance la force se trouve précisément du côté des partisans du véritable Panafricanisme et de l’ordre mondial multipolaire. Après, si certains représentants de régimes ayant fait très clairement les mauvais choix stratégiques sentent venir la fin autant dès maintenant opter pour l’exil vers Washington, Paris ou autre endroit du petit espace nommé Occident.
Par : Mikhail Gamandiy-Egorov