Soudain, après des années de représentation trompeuse du Hamas, les politiciens et les médias occidentaux cherchent désespérément à clarifier ne serait-ce qu’en Syrie la différence entre djihadistes et nationalistes islamiques.
Par Jonathan Cook
Mondialisation.ca, 11 décembre 2024
Nous assistons à un phénomène très étrange. Pendant des années, les médias et les politiciens occidentaux ont été indifférents à la réalité du Hamas, qui n’est pas un mouvement djihadiste, comme Al-Qaïda ou l’État islamique, mais un mouvement de résistance nationale spécifiquement palestinien – pour autant qu’il soit sous-tendu par une idéologie islamiste qui le distingue des mouvements nationaux palestiniens laïques tels que le Fatah.
Peu après l’attaque du Hamas contre Israël le 7 octobre 2023, le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu s’est tenu aux côtés du secrétaire d’État américain Anthony Blinken et a affirmé sans contestation :
“Le Hamas est l’État islamique [État islamique]… et le Hamas devrait être traité exactement de la même manière que l’État islamique a été traité”.
Mais le Hamas, contrairement à Al-Qaïda et à l’État islamique, ne cherche pas à recréer un califat englobant tout musulman où qu’il vive, indifférent aux frontières nationales. Il entend créer un État palestinien en Palestine. Israël, pour sa part, est déterminé à empêcher toute émergence d’un État palestinien, quitte à commettre un génocide.
Le Hamas n’exige pas une adhésion stricte à la loi religieuse, et ne donne pas la priorité à l’islam sur l’identité nationale palestinienne.
Il ne fait pas partie, comme Israël et ses apologistes occidentaux tentent de nous le faire croire, d’une quelconque croisade islamique, menant une guerre mondiale contre les valeurs d’une prétendue “civilisation” judéo-chrétienne.
Le Hamas n’opprime pas les chrétiens (une communauté chrétienne vivait paisiblement à Gaza jusqu’à ce qu’Israël commence à bombarder ses églises) et n’oblige pas les femmes à porter le voile.
La désignation par le Royaume-Uni du Hamas comme organisation terroriste, tant sur le plan militaire que sur celui de la protection sociale, se justifie en grande partie par cette représentation erronée du caractère idéologique du Hamas.
Je soulève cette question non pas pour faire l’éloge du Hamas (voir l’avertissement juridique ci-dessous), mais pour mettre en évidence l’hypocrisie actuelle et choquante de l’ensemble des médias occidentaux.
Aujourd’hui, la Syrie se retrouve dirigée par une émanation d’Al-Qaïda, rebaptisée HTS. Et les journalistes occidentaux, la BBC en tête, s’empressent d’expliquer comment le groupe est passé du jour au lendemain du djihadisme coupeur de têtes à un mouvement de résistance nationale syrienne modéré et “favorable à la diversité”.
Les médias sont subitement très soucieux de clarifier la différence entre djihadisme militant et Résistance nationale islamique, et d’insister sur le caractère respectable de cette dernière.
Évidemment, c’est présenté pour justifier la fin de la désignation d’HTS comme organisation terroriste par les gouvernements britannique et américain, alors que ces mêmes gouvernements maintiennent le Hamas dans la liste des organisations terroristes proscrites. C’est la raison invoquée pour faire de cette réincarnation d’Al-Qaïda un sympathique mouvement nationaliste syrien, prétendument désireux d’unifier le pays.
Les médias occidentaux sont tout à fait à même de saisir la différence entre djihadistes et nationalistes islamiques lorsqu’ils le souhaitent. Mais ils ne le feront que lorsque les services de sécurité nationale britanniques et américains leur demanderont de le faire.
Telle est la posture de ce qu’on nous présente comme étant une “presse libre”.
AVERTISSEMENT JURIDIQUE :
Les observations ci-dessus sont faites à des fins purement analytiques et ne visent en aucun cas à “encourager le soutien” au Hamas, ce qui constituerait une violation de l’article 12 de la loi britannique sur le terrorisme. Le Hamas est considéré comme une organisation terroriste par le gouvernement britannique.
Après tout, qui sommes-nous pour remettre en question la sagesse du gouvernement qui utilise la législation antiterroriste pour emprisonner des journalistes jusqu’à 14 ans pour avoir signalé l’application incohérente de ses politiques ?
Qui sommes-nous pour remettre en question le droit de la police britannique d’ordonner des descentes au domicile de journalistes indépendants, d’enquêter sur eux et de les arrêter, comme cela a été le cas pour Richard Medhurst et Asa Winstanley, parce qu’ils n’auraient pas suivi d’assez près la position du gouvernement britannique à l’égard du Hamas ?
Qui sommes-nous pour demander pourquoi les médias britanniques, défenseurs d’une glorieuse tradition de liberté de la presse, ne font pas état de l’arrestation et des enquêtes de police sur des journalistes indépendants pour avoir prétendument violé l’article 12 relatif au Hamas, alors que la police semble tout à fait réticente à appliquer l’article 12 relatif à HTS ?
Rien de ce qui précède ne saurait suggérer que la Grande-Bretagne n’est pas pleinement démocratique ou qu’elle présente des signes annonciateurs d’un État policier.
Jonathan Cook
Article original en anglais : The Day the Media Decided Militant Jihadism Was Respectable, unz.com, le 10 décembre 2024.