Selon un rapport du (Ceri), le rejet de la France en Afrique est le résultat de ses politiques et non la désinformation.

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A group of protesters demonstrate agaisnt France and the Economic Community of West African States (ECOWAS) whose representatives are expected today in Ouagadougou on October 4, 2022.

Le désaccord se voit même dans les mots utilisés. Lorsqu’on parle des récents troubles de la France en Afrique, certains utilisent le terme de « sentiment anti-français ». Mais les militants n’aiment pas ce terme parce qu’ils pensent qu’il est flou et biaisé, et qu’il est utilisé par les élites parisiennes pour minimiser les critiques à l’égard de la France et de sa politique.

Laurent Duarte, ancien secrétaire exécutif de Tournons La Page et l’un des auteurs du rapport, explique : « Utiliser le mot « sentiment » suggère que cette critique est uniquement basée sur les émotions. Mais pour nos interlocuteurs, leur critique de la France est étayé par des faits précis.

La plupart des personnes interrogées rejettent la politique de la France en Afrique, et non les citoyens français eux-mêmes. En fait, les citoyens français vivant en Afrique sont rarement directement visés. De plus, en utilisant le terme « Français » au lieu de « France », il fait allusion à l’idée d’un « racisme anti-français » qui n’existe peut-être pas en réalité.

Alors que le parti d’extrême droite Rassemblement national continue de progresser dans la politique française, le renversement des stigmates du racisme est fortement dénoncé.

Implicitement, pour les participants, cette expression du « sentiment anti-français » suggère aussi que le clivage entre la France et certains pays africains est largement alimenté par des campagnes de manipulation et de désinformation orchestrées par des puissances rivales, notamment la Russie.

Les personnes interrogées dans le rapport ne nient pas l’existence de campagnes de désinformation, mais la plupart estiment que Paris en fait une « obsession », faisant de la Russie un « bouc émissaire » pour éviter une nécessaire réflexion. « La propagande russe se nourrit des erreurs de la politique africaine de la France, mais elle n’en est pas l’origine », écrivent les auteurs du rapport.

Une fois de plus, poursuit Laurent Duarte, « analyser ces critiques uniquement sous l’angle d’une guerre d’influence nie la capacité critique de ces acteurs et renforce donc le sentiment d’humiliation ».

Photo des manifestants anti Français nigériens à Niamey au Niger.

Or, cette « humiliation » est justement l’une des critiques qui refont constamment surface. L’étude met en lumière les principaux tournants de l’opinion publique à l’égard de Paris depuis l’arrivée au pouvoir du président français Emmanuel Macron.

Au premier plan figure le sommet de Pau de janvier 2020, qualifié de « point culminant du paternalisme et de l’arrogance » du chef de l’État. Emmanuel Macron avait convoqué plusieurs chefs d’Etat sahéliens pour critiquer leur manque d’engagement dans la lutte contre le terrorisme et exiger des « clarifications » sur la présence française. En d’autres termes, il voulait qu’ils arrêtent les manifestations contre Barkhane.

En matière de sécurité, l’étude confirme que le retrait de Barkhane au Sahel a entraîné une « désillusion très marquée » sur la fiabilité de la France en tant que partenaire.

Mais le principal reproche adressé à Paris porte moins sur ses performances militaires que sur sa difficulté à répondre aux besoins exprimés par ses partenaires, notamment en termes de fourniture de matériel militaire. Selon Dan Sanaren, doctorant au Ceri et l’un des auteurs de l’étude, la critique sous-jacente est « celle d’une forme de paternalisme. On dit : les Français nous donnent ce qu’ils veulent nous donner, tandis que les Russes nous donnent ce que nous demandons. »

Parmi les tournants, il faut aussi citer l’arrivée de Mahamat Idriss Déby au pouvoir au Tchad. La présence d’Emmanuel Macron aux funérailles d’Idriss Déby Itno et à l’investiture de son fils a été perçue « comme une insulte par les militants pro-démocratie et les défenseurs des droits de l’homme. Cela est revenu dans tous les débats comme une question épineuse », explique Dan Sanaren. Pour le chercheur, cela montre que « le Tchad est bien identifié comme une clé » et « un espace stratégique de l’influence française en Afrique ».

Le franc CFA de la zone de l’Afrique de l’ouest.

Sans surprise, les personnes interrogées rejettent massivement le franc CFA. Près de 95 % des personnes interrogées expriment leur désir de sortir, même s’ils ne sont pas d’accord sur la meilleure alternative. La monnaie est « unanimement considérée comme un marqueur essentiel de souveraineté », explique Laurent Duarte.

Cette exigence de souveraineté, et cette volonté « de déterminer le cours de leur histoire », est centrale dans les propos exprimés par les participants.

Par : Arsène de Bangweni / Afrique Première Tv

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