Un jeune acteur talentueux guinéen menacé d’expulsion, malgré son titre de meilleur acteur lors de la compétition Un Certain Regard au Festival de Cannes.

Spread the love
Abou Sangaré, sous la menace d’une expulsion en France, malgré son succès cinématographique.

Il est désormais l’acteur principal du film « L’histoire de Souleymane », un film populaire qui vient de sortir cette semaine dans les salles françaises.

Le film et le succès soudain d’Abou Sangaré mettent en lumière l’immigration clandestine en France, au moment même où le nouveau gouvernement durcit sa position sur la question. Ils veulent rendre plus difficile le séjour en France des immigrés sans statut légal permanent et faciliter leur expulsion.

Dans le film, Abou Sangaré incarne un jeune demandeur d’asile qui travaille comme livreur à Paris, se faufilant dans la circulation sur son vélo. Il s’agit d’une vie qui imite l’art, car l’avenir de Sangaré est en jeu. Tout comme le personnage qu’il incarne, il espère convaincre les autorités françaises de le laisser rester et de cesser de tenter de le forcer à partir.

« Quand je vois Souleymane assis à l’Office français de protection des réfugiés et apatrides, je peux m’identifier à lui, car je sais ce que c’est d’attendre ses papiers d’identité ici en France, d’être dans cette situation le stress, l’anxiété », a déclaré Abou Sangaré dans une interview accordée à l’Associated Press. « Comme moi, Souleymane se retrouve dans un environnement qu’il ne connaît pas. »

Il a déclaré avoir quitté la Guinée à 15 ans en 2016 pour aider sa mère malade. Il s’est d’abord rendu en Algérie, puis en Libye, où il a été emprisonné et traité comme un esclave après une tentative ratée de traversée. Il est arrivé en Italie et a finalement mis les pieds en France en mai 2017.

Abou Sangaré souhaitait être reconnu comme mineur, mais sa demande a été refusée. Il a cependant pu étudier au lycée et suivre une formation pour devenir mécanicien automobile, une compétence très demandée en France. Récemment, on lui a proposé un emploi à temps plein dans un atelier à Amiens, une ville du nord de la France où il vit depuis sept ans. Amiens est également la ville natale du président français Emmanuel Macron.

Malheureusement, Abou Sangaré ne peut accepter ce poste en raison de son statut illégal. Il a demandé des papiers à trois reprises sans succès et vit avec la menace d’expulsion qui pèse sur sa tête. Les critiques affirment que les gouvernements successifs ont de plus en plus recours à des mesures d’expulsion.

« Nous sommes le pays d’Europe qui pratique le plus de procédures d’expulsion, loin devant les autres pays », déclare Serge Slama, professeur de droit public à l’université de Grenoble.

Cependant, leur utilisation – avec plus de 130 000 expulsions ordonnées en 2023 est très inefficace, a-t-il ajouté, car de nombreuses ordonnances ne sont pas exécutées ou ne peuvent pas l’être pour des raisons juridiques.

Le ministre de l’Intérieur, Bruno Retailleau, affirme qu’environ 10 % des personnes visées par l’expulsion finissent par partir. M. Retailleau, nommé le mois dernier dans le nouveau gouvernement français composé de conservateurs et de centristes, donne la priorité au contrôle de l’immigration. Il souhaite que davantage d’immigrés sans statut légal permanent soient placés dans des centres de détention pour des périodes plus longues.

Mathilde Buffière, qui travaille auprès des immigrés dans les centres de rétention administrative au sein du Groupe SOS Solidarités, constate que les fonctionnaires passent de moins en moins de temps à examiner les demandes de séjour des immigrés avant de les placer en centre de rétention.

La vie d’Abou Sangaré a changé l’année dernière lorsqu’il a rencontré le cinéaste Boris Lojkine. Après plusieurs auditions, il décroche le rôle principal dans un film. Sangaré a remporté cette année le prix du meilleur acteur lors de la compétition Un Certain Regard au Festival de Cannes.

Mais un prix encore plus important pourrait se profiler à l’horizon : après Cannes, des représentants du gouvernement ont envoyé à Sangare un email l’invitant à présenter une nouvelle demande de résidence.

En réponse aux questions de l’AP, les autorités françaises ont déclaré que l’ordre d’expulsion contre Sangare est toujours légalement en vigueur, mais qu’elles ont reconsidéré son cas en raison des démarches qu’il a entreprises pour s’intégrer.

« Je pense que c’est le film qui a fait ça », a déclaré M. Sangaré à l’AP. « Il faut un titre de séjour pour changer de vie ici. Ma vie changera le jour où j’aurai mes papiers », a-t-il ajouté.

Par : Frédérique Durand / Afrique Première Tv

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *