Accélérer le développement d’une industrie des vaccins en Afrique. C’est l’objectif du Forum mondial sur l’innovation et la souveraineté vaccinale organisé aujourd’hui à Paris en présence de nombreux dirigeants mondiaux. Pourquoi est-il si difficile de construire cette industrie sur le continent ?
L’Afrique ne produit que 1 % des vaccins dont elle a besoin. C’est à peu près le même niveau que lors de la pandémie de Covid-19. À l’époque, le continent réalisait avec choc qu’il serait servi en dernier parce qu’il ne disposait pas d’industrie locale ni de suffisamment d’argent pour obtenir des doses de l’Occident ou de l’Inde. Une trentaine de projets industriels ont été annoncés, mais un seul a effectivement débouché sur la production et la vente de vaccins à ARNm : Biovac en Afrique du Sud. Le faible taux de réussite de ces initiatives montre à quel point il est risqué de construire une industrie vaccinale de toutes pièces en Afrique.
Le premier défi est le financement. Il en coûte beaucoup plus cher pour démarrer une usine pharmaceutique en Afrique qu’en Asie. On estime que c’est 40 à 70 % plus cher. En effet, emprunter de l’argent coûte plus cher et les infrastructures nécessaires comme l’électricité, l’eau et l’assainissement peuvent ne pas être à la hauteur. L’objectif du forum de Paris aujourd’hui est de trouver un milliard de dollars pour soutenir quelques industriels capables de créer des pôles régionaux. Il est également important de s’assurer qu’il existe un marché pour ces industriels.
Protéger et développer le marché est crucial. La société sud-africaine Aspen a eu du mal à vendre ses vaccins après le Covid-19, ce qui a entraîné des difficultés financières. La société américaine Moderna a gelé son projet d’usine au Kenya en raison d’une baisse soudaine de la demande de vaccins contre le Covid-19. Pour développer une industrie du vaccin, il est important de protéger le marché et ses acteurs, comme cela a été fait avec succès au Bangladesh et au Brésil. En Afrique, la première étape consiste à unifier un marché très fragmenté dans 54 pays.
Pour résoudre ce problème, Gavi, l’alliance qui fournit la plupart des vaccins aux pays africains, s’est engagée à acheter une partie de la production aux futurs laboratoires. L’Union africaine a également convenu d’un système d’achats groupés, similaire à ce que l’Union européenne a fait pendant le Covid-19.
Un autre défi est le manque de réglementation. Par exemple, l’Institut Pasteur de Dakar est le seul laboratoire africain qui répond à tous les critères requis par l’OMS pour le vaccin contre la fièvre jaune, qui font partie des exigences de Gavi. Pour qu’un vaccin soit reconnu et exportable, il doit être approuvé par une agence pharmaceutique. Cependant, ces agences sont encore trop peu nombreuses ou pas assez qualifiées sur le continent. La pandémie a accéléré la création d’une agence continentale. La formation du personnel et les transferts de technologies sont d’autres ingrédients essentiels à la construction d’une industrie durable. Cela en vaut la peine, puisque l’Afrique dépense chaque année 50 milliards de dollars en vaccins.
Par : Barsene Saint Paul / Afrique Première