Le gouvernement sénégalais est en pourparlers avec l’héritier de Léopold Sédar Senghor, premier président du pays, pour acheter environ 340 livres de sa bibliothèque. Cette vente devait avoir lieu lors d’une vente aux enchères à Caen, mais c’est désormais une affaire importante que les Dakarois surveillent de près, selon l’historien Amzat Boukari-Yabara.
Des livres d’une grande importance ayant appartenu à un célèbre écrivain et poète Sénégalais devaient être vendus aux enchères le 16 avril dernier à Caen. Mais le gouvernement sénégalais a ensuite décidé de les acheter, et la vente a donc été annulée. L’Etat sénégalais veut ramener les livres au Sénégal et les mettre dans un musée en hommage à leur propriétaire, Léopold Sédar Senghor. Il était poète, écrivain et premier président du Sénégal.
Senghor a joué un rôle important dans le mouvement de la Négritude, qui visait à célébrer la culture noire. Il était ami avec d’autres écrivains importants comme Aimé Césaire et Léon Gontran Damas, Maryse Condé.
Selon Amzat Boukari-Yabara : Il est tout à fait logique que les archives des anciens présidents africains remontent en Afrique. Bien sûr, Léopold Sédar Senghor a occupé des emplois prestigieux en France, comme celui de ministre avant l’indépendance et plus tard de membre de l’académie française, mais ses moments de carrière les plus importants se sont produits au Sénégal, où il a été le premier président.
Les négociations entre le gouvernement sénégalais et les héritiers de Senghor surviennent à un moment particulier où l’on parle de redonner le patrimoine africain. Dans cette situation, le gouvernement français pourrait aider en récupérant ces archives et en les restituant.
Il est important que les chercheurs aient accès aux archives historiques de ces personnages importants et ne pas les disperser. Même si l’on sait déjà beaucoup de choses sur les influences et les lectures de Senghor et que sa bibliothèque ne réserve pas de grandes surprises, le gouvernement sénégalais envisage d’inclure ces livres dans un musée. En 2013, l’ancien président Macky Sall avait déjà acquis de nombreux biens auprès de Senghor. C’est donc une bonne décision de soutenir.
Certains observateurs pensent que Léopold Sédar Senghor était un intellectuel de gauche et croyant à l’universalisme. Il a fait l’objet de nombreuses critiques pour avoir dirigé le Sénégal d’une main de fer de 1960 à 1980.
Selon l’historien Amzat : c’est parce qu’il a agi très différemment en tant que président qu’en tant que poète. Il a dirigé le pays sans partage du pouvoir, dirigeant un système de parti unique et supprimant toute opposition avant de démissionner et de laisser son successeur, le Premier ministre Abdou Diouf, prendre le relais. On lui a également reproché d’être trop proche de la France et de ne pas pouvoir établir une coopération mutuelle.
C’est un président qui a apporté stabilité et prestige international au Sénégal grâce à sa carrière de poète et ses projets culturels. Il était connu pour son soutien aux arts, notamment à travers le Festival mondial des arts nègres, qu’il a lancé en 1966.
Il a fait de Dakar une plaque tournante de la culture. Sa présidence était un symbole d’ouverture, car il était chrétien dans un pays majoritairement musulman.
Même 25 ans après sa mort, on se souvient de lui comme d’une figure complexe, culturellement ouverte mais aussi autoritaire et fermée dans l’exercice du pouvoir.
La vente de la bibliothèque de Senghor intervient au moment où le Sénégal traverse une période de changement politique avec la récente élection du président Bassirou Diomaye Faye.
Léopold Sédar Senghor est certainement l’un des Sénégalais les plus connus au monde. Il est le père de l’indépendance et est toujours célébré pour ses écrits et les valeurs universelles qu’il incarne. L’ancien aéroport international de Dakar porte son nom, il existe un stade Senghor dans la capitale et une statue à son effigie a également été érigée.
Politiquement, son héritage est moins visible aujourd’hui. La grande majorité des Sénégalais n’étaient pas nés lorsqu’il a quitté le pouvoir. Depuis, il y a eu un changement de direction et le paysage politique a changé. Il représente également le lien entre la France et le Sénégal. Il a été secrétaire d’État, conseiller et député en France avant de diriger son pays. Il revient ensuite en France, dans sa maison de Verson, où il poursuit ses activités culturelles jusqu’à sa mort à l’âge de 95 ans.
Ses obsèques à Dakar ont donné lieu à un incident diplomatique avec Paris car ni le président Jacques Chirac ni le Premier ministre Lionel Jospin n’ont fait le déplacement, ce qui a été perçu comme une insulte.
Vingt-trois ans plus tard, force est de constater qu’aucune mesure institutionnelle n’a été prise en France pour préserver ce patrimoine. Il est quand même regrettable qu’on en soit arrivé à une vente aux enchères pour régler ce problème.
La vente de la bibliothèque est un enjeu majeur pour la relation entre Paris et Dakar. Les Sénégalais vont suivre cela de près. Cela pourrait provoquer un drame entre les deux pays, d’autant que le nouveau gouvernement sénégalais souhaite changer la donne avec la France.
Par : Arsène de Bangweni