Les rebelles du CSP an Mali (Cadre stratégique de défense du peuple de l’Azawad), qui ont signé à Alger en 2015 l’accord de paix aujourd’hui disparu avec le gouvernement malien, veulent pactiser avec les jihadistes du Jnim (Groupe pour la défense du peuple de l’Azawad). Le soutien à l’islam et aux musulmans), liés à Al-Qaïda. C’est ce qu’a révélé un message vocal d’Alghabass Ag Intalla, qui circule sur les réseaux sociaux depuis vendredi 17 mai. Dans le message, cet important leader du CSP demande à ses troupes de ne pas s’opposer à sa décision.
Alghabass Ag Intalla, chargé de la réconciliation, de la cohabitation et des relations avec les autorités traditionnelles au sein du CSP, a entamé des discussions avec le Jnim, lié à al-Qaida. Dans un message envoyé vendredi 17 mai aux combattants du CSP, Alghabass Ag Intalla explique avoir déjà fait quelques progrès et en espérer davantage.
Le 5 avril, les rebelles du CSP sont tombés dans une embuscade tendue par le Jnim alors qu’ils s’apprêtaient à attaquer un camp militaire malien au centre du pays. Les combats ont fait des victimes des deux côtés, une vingtaine dans chaque camp.
Les jihadistes s’opposent aux rebelles, historiquement basés dans le nord, menant des opérations dans le centre et le sud du pays, que le Jnim considère comme son territoire. Cette position n’a pas changé malgré les discussions. Ces combats ont été surprenants car depuis que les autorités de transition maliennes ont rompu l’accord de paix de 2015 et expulsé le CSP de son fief de Kidal en novembre dernier, rebelles et jihadistes ont un ennemi commun : l’armée malienne et ses alliés russes de Wagner.
Un pacte de non-agression, libre circulation, partage d’informations
« Alghabass est autorisé par la direction du CSP à obtenir un pacte de non-agression », expliquent ses proches, afin de permettre « la libre circulation des combattants, le partage d’informations sur les mouvements de l’ennemi commun – l’armée malienne et Wagner – et protéger les populations. » Mais tous les dirigeants du CSP contactés par RFI affirment unanimement qu’il n’y aura pas d’attaques conjointes, mais plutôt une forme de « coordination ».
En termes simples, chacun continuerait à faire ce qu’il veut sans se mélanger mais sans se gêner.
Objectif : que les rebelles et les jihadistes concentrent leurs forces respectivement contre l’armée malienne et Wagner. Un volet « réparations » est également envisagé, après les combats d’avril dernier, pour obtenir la libération des prisonniers et la restitution des véhicules. « Mais ce ne sera pas facile », admet un chef rebelle, « car il y a eu des victimes des deux côtés ».
Cependant, le CSP n’est pas une entité unifiée. Il rassemble des rebelles issus de différents groupes armés, qui n’entretiennent pas les mêmes relations avec les jihadistes. Alghabass Ag Intalla est l’un des fondateurs du HCUA (Haut Conseil pour l’unité de l’Azawad), une scission du groupe Ansar Dine d’Iyad Ag Ghaly, actuel leader du Jnim, dont Alghabass était très proche. Il n’est donc pas étonnant qu’il ait été chargé de « discuter » avec le Jnim.
« Nous avons tous été surpris par le message d’Alghabass », révèle un combattant du MNLA (Mouvement national pour la libération de l’Azawad). Ce sont les troupes du MNLA qui ont subi le plus de pertes lors des combats en avril dernier. Historiquement, ce mouvement a toujours défendu la laïcité et lutté contre les groupes jihadistes. « Nous ne ferons jamais de compromis avec les terroristes », affirme cette source, même si elle ne s’oppose pas à un pacte strict de non-agression. « Si nous ne les combattons pas aujourd’hui, c’est parce que nous n’en avons pas les moyens », poursuit la source avec une clarté résignée. « Il faut l’accepter pour affaiblir d’abord l’armée malienne. Mais tôt ou tard, nous combattrons aussi le Jnim. »
‘’Je suis d’accord aussi », a déclaré un membre du CSP qui vient du MAA (Mouvement arabe de l’Azawad). « Nous sommes des groupes différents avec des idées différentes, mais on doit éviter les problèmes comme la dernière fois (les combats du 5 avril entre le CSP et le Jnim). On ne cherche pas à former une alliance, juste à éviter les attaques. «
Il n’y a pas de division évident au sein de la rébellion pour le moment, mais c’est surtout en dehors du CSP et dans le camp de Bamako que le rapprochement avec le Jnim est envisagé. Un membre touareg de Kidal, fidèle aux autorités de transition, voit ce rapprochement comme une sorte d’alignement des rebelles avec les jihadistes. Une source sécuritaire malienne ironise en disant que les rebelles sont prêts à tout pour affronter l’armée, même à s’allier avec le diable. Selon cette source, cela renforce l’idée que les rebelles et les jihadistes sont tous des terroristes, sans distinction.
Par : Haby Coulibaly / Afrique Première